Le premier quartier est un peu particulier. C'est un quartier un peu populaire, une sorte de banlieue, mais dans le cas où le concept même de banlieue aurait été créé dans les années 2000. On retrouve des grandes barres et longues barres d'immeubles, mais elles sont plutôt en verre et métal. Fini le béton beige, terne et triste, les couleurs pastels mais chaudes. Il n'y a maintenant que du métal, du verre et de l'air. Des gris, des bleus, des verts. Les bâtiments sont encore neufs. Parfois, un mur  oblique vient transformer les bâtiments parallélépipédiques en trapézoïdes, adoucissant un peu la forme de ces grands bâtiments. Et surtout les esprits sont encore neufs. Il n'y a pas ce désespoir induit par plusieurs décennies de galères et de misère et de mise à l’écart. C'est juste le début des banlieues. Les habitants ont encore l'espoir. Ils ne se sentent pas encore désespérés et abandonnés.
Le quartier est situé dans un méandre du fleuve, qui fait là un demi tour, formant une étroite langue de terre. A proximité de la rive, un jardin d'enfants a été installé; il est neuf et  brillant, bien que tout en couleurs froides, lui aussi. Une petite fille s'amuse, seule. Le vent passe sur la rivière, mélange quelques gouttes d'eau avec les feuilles des trembles plantés autour des jeux, puis vient faire voler les cheveux blond de la petite fille. Un peu plus au nord, une grande avenue traverse la cité, reliant les deux ponts. De grandes esplanades en dalle de béton gris partent de cette avenue et desservent les différents immeubles.
Le quartier est très calme. Peu de passages sur l'avenue, peu de gens sur les esplanades. Ce n'est pas vraiment un quartier mort, mais plutôt un quartier vide, seul. Ce n'est pas qu'il est rempli complètement de gens qui vivent séparés, sans se soucier des autres, mais plutôt de gens qui sont à la limite de l'inexistence, présents sans vraiment l’être. Ce n'est pas un quartier fantôme en ce sens qu'il n'a jamais eu de vie. C'est juste un amalgame de métal et de béton, ni chaud, ni froid, ni vivant ni mort. Juste posé là, attendant quelque chose. Peut-être d'autres petites filles qui jouent?


Le second quartier est par certains points bien différent du précédent et par d'autres points assez proches.
C'est un quartier bourgeois situé à flanc de colline. C'est un ensemble de grandes maisons, certes proches, mais quand même séparées les unes des autres par des jardins assez étendus. Pas de grands espaces communs ici, mais beaucoup de petites rues qui se croisent. Les maisons sont hautes et élancées. Peu d’étages, à peine un ou deux, mais chacun a une grande hauteur de plafond. Les maisons sont un peu biscornues et une forte majorité d'entre elles arborent des tourelles, des grandes fenêtres, et quelques piliers gothiques. On retrouve le style architectural qu'on appelle de la Reine Anne. Les maisons sont construites en pierres sombres, noires ou violettes. Les jardins sont entourées de haies d'ifs ou de grilles en fer. Les portails sont eux aussi en métal, surmontés de pointes. A l’intérieur des jardins, quelques cyprès, quelques saules, mais surtout des pelouses.
On dirait qu'une ombre plane sur le quartier, même si l'ambiance n'est pas désagréable. Même quand le soleil luit, le quartier reste dans ses couleurs. Elles deviennent plus lumineuses, mais pas plus brillantes. Le quartier accepte la lumière, l'absorbe, mais n'en fait rien.
Les rues et les maisons sont calmes. Quelques vieilles personnes vaquent sur les trottoirs, mais elles sont en général seules. Ce quartier là possède à peine plus de vie que le précédent, mais il a déjà vécu, lui. Il n'est pas vide, ni mort. Plutôt en approche de la mort, se vidant tranquillement de sa vie, après de nombreuses années heureuses.
Un tram permet de monter du centre ville plus bas vers ce quartier et de traverser le quartier en largeur. La ligne va même jusqu'à l’extérieur de la ville, à l’extrémité de ce quartier. A proximité du terminus, se dresse une très grande maison, assez haute pour mériter le nom de tour. De cette tour, on a une vue complète sur le quartier sombre au premier plan et la ville entière en contrebas.


Le troisième quartier est bien plus vivant que les précédents. Pour deux bonne raisons : il est situé en plein centre de la ville et attire beaucoup de touristes. Il faut dire que c'est un quartier très ancien et qu'il contient beaucoup de grands bâtiments tout aussi anciens. Églises romanes, palais de la Renaissances, fontaines sculptées. Dans ce quartier, tout est en pierre de taille, avec beaucoup de marbre. Ici, tout tire sur les tons de beige, d'ocre, de blanc cassé. Les lumières elles-mêmes sont jaunes et chaudes, même quand il pleut.
De nombreux endroits à visiter ici, ce qui attire donc les voyageurs, les touristes, les gents de passage. Mais les habitants de la ville viennent aussi souvent dans ce quartier pour se promener dans les rues, admirer les édifices, prendre un café et un gâteau dans les nombreux salons de thé. Le quartier est d'autant plus agréable qu'il est majoritairement piéton.
Il y a une vie active dans ce quartier. Une vie chaude, accueillante, souriante, mais pas tapageuse. Ce n'est pas l'activité bruyante et agressive des quartiers étudiants, mais une activité plus mature, plus posée. Ce qui lui permet d'avoir quelques cotés sombres.
Toutes ces lumières chaudes qui tombent des fenêtres et des lampadaires forment des ombres dans les recoins, peu nombreuses mais présentes et tenaces. De même, certaines actions qui ont lieu dans ces rues ne sont pas toujours moralement acceptables. On ne parle pas de vols à l'arraché ou de racolage, rien d'aussi vulgaire. Mais dans les restaurants ont lieu des repas entre parrains de la mafia et des pots de vin sont échangés dans les alcôves des anciennes églises. De temps en temps, deux hommes se courent après à travers les rues. Les touristes ne savent pas vraiment quoi en penser, mais les autochtones considèrent ces turbulences comme des espions en plein travail. Un peu comme si le quartier était le cadre d'un film de James Bond.
En fait, toutes ces activités peu recommandables n'ont quasiment pas d'impact sur la vie du quartier. Tout se joue sur la discrétion, comme sur du velours. Et les retombées des méfaits organisés organisés ici ont toujours lieu ailleurs. Ce quartier continue à prospérer tranquillement.