Passager sur un deux-roues, c'est particulier. c'est vraiment différent de passager d'une voiture.

Si j'osais, je dirais que passager sur un deux-roues, ça a quelques point communs avec une expérience de privation sensorielle. Déjà, en tant que passager, tu es dans l'axe du conducteur. La majeure partie du temps, tu ne vois que l’arrière du casque du conducteur. Pas vraiment possible de voir la route devant, de voir s'il y a des obstacles, un chevreuil qui traverse la voie, une flaque d'huile, UNE PORTIÈRE QUI S'OUVRE, UNE VOITURE QUI FREINE!!! AH JE VOIS RIEN, JE VAIS MOURIR!!! ... Zen... Calme... Il conduit, il sait ce qu'il fait. Tu vas regarder son casque. Et les petits cheveux qui dépassent du-dit casque. C'est mignon, ces cheveux. Tiens, tu pourrais tirer sur ces petits cheveux, ça serait rigolo. Hihi... AH MAIS NON, SI JE FAIS CA, IL VA PERDRE LE CONTRÔLE DE SA MOTO ET ON VA MOURIR TOUS LES DEUX!!!!!

Ben oui, quand tu peux pas voir, tu t'imagines des choses. Et tu peux pas discuter non plus. T'as déjà essayé de discuter en moto? Le problème, c'est pas l’émission. Le problème, c'est la réception. Parce que en moto, tu entends deux bruits et seulement deux : le BBBBBBBBRRRRRRRRRRRBBBBBRRRRRBBBBRRRBRRBBBBBBBBBBBBRRRRRRR du moteur et le FFFFFLLLLLVVVVVFLFLFLFLVLVLVFLFLFLFLVLLFLFFLFFFLLLFLVVVVL du vent dans le casque et autour de toi. (Et de temps en temps, les cris de colère du conducteur qui ne peut pas avancer parce qu'un connard se traine devant lui et remonte les files à 50km/h au lieu des 110 qu'il aimerait. Mais ça reste rare.)

Tu vois pas grand chose et tu entends pas grand chose. Ça limite l’intérêt. Bon, tu pourrais bouger. Mais là aussi, tu es restreint. Si tu bouges trop, c'est un coup à déséquilibrer le véhicule, à faire chuter le tout et ... OH MON DIEU, JE VAIS MOURIR, NON PITIÉ, JE SUIS TROP JEUNE!!! Bon, ça, c'est au début. Parce que rapidement, à force de t'agripper aux poignées pour résister aux accélérations et freinages soudains, tu te retrouves quasiment coincé dans cette position. Coincé par l’appréhension, mais aussi par le fait d’être resté trop longtemps crispé dans cette position. A l'arrivée, tu as aussi mal aux bras que si tu avais fait des haltères.
Il parait que si tu es intime avec le conducteur, tu peux abandonner les poignées et t'accrocher à lui, en passant tes bras autour de sa taille. Mais pas trop fort, non plus. Sinon, c'est un coup à l’étouffer, à lui faire perdre sa connaissance ET LE CONTRÔLE DE L'ENGIN!!! ON VA SE RAMASSER ET MOURIR DÉCAPITÉS PAR UNE BARRIÈRE DE SÉCURITÉ!!! NON, JE VEUX PAS!!!
Et tu peux même pas le tripoter, sous peine d'obtenir à peu de choses près le même résultat que ci-dessus.

Bon, pour l'odeur, tu es aussi limité. Le nez dans le casque, à défaut de l'avoir dans le guidon. Rien. Juste l'odeur du casque (ou de celui qui l'a porté avant toi). Et pour le gout, rien du tout.

Donc passager en moto, tu as 3 choix :

  • Soit tu passes ton temps à imaginer la façon dont tu vas mourir avant la fin du trajet (ce qui n'est pas très sain, psychologiquement parlant),
  • Soit tu te fermes à tes sens et tu deviens un Chevalier d'Or en atteignant le septième sens,
  • Soit tu réfléchis et tu commences à rédiger le billet de blog que tu pourras tirer de cette expérience.