Effectivement, à moins que mon esprit ne soit occupé par autre chose, je flippe en foret. Mais pas uniquement en foret. Cette peur peut aussi m'arriver dans les endroits civilisés. En fait, pour peu que l'espace soit etendu et/ou vide, je stresse. A moins qu'il y ait quelqu'un d'autre dans cet espace; une personne définie et dans mon champ de perception. Par exemple, le terrain vague chemin qui separe mon appart de la station de metro. Quand il n'y a personne dans les alentours, j'essaye à la fois de surveiller du regard les 360° qui m'entourent tout en ayant l'air de ne pas m'inquieter et d'aller de l'avant comme si de rien n'etait. C'est tres difficile à faire. Mais si je croise une voisine, un eleve du CFA d'a coté ou autre, ca va. Je vois ce qu'il y a derriere lui et vice-versa. Pas d'inquietude à avoir. C'est pareil quand je rentre chez moi le soir et que je dois parcourir le couloir entre l'escalier et la porte de mon bureau. Ceci dit, les couloirs, eux, ne m'inquietent que la nuit.

Pourtant, ce n'est pas la peur du noir, puisque je peux me deplacer la nuit sans probleme, naviguer dans mon appart toutes lumieres eteintes. C'est juste que la nuit est un facteur aggravant. En fait, ce qui me fait peur, c'est ce que je ne vois pas, ce que j'imagine. La nuit, en ville, je n'ai pas peur de me faire agresser par une bande de racailles ou un voleur isolé. Ce sont des choses tangibles contre lesquelles je pourrais me defendre. (Ou pas...) J'ai en fait peur de ce qui n'est pas là, de ce qui normalement ne peut pas etre là : ame en peine (et assimilés), araignées geantes, dame blanche, yeux brillants à la fenetre, monstres, etc...

Mais le pire reste la foret la nuit. La foret, c'est vraiment le truc le plus eloignée que je connaisse de mon portable posé sur la couette avec MSN en tache de fond. La foret, c'est grand, c'est rempli de betes, c'est pas civilisé, c'est plein de cachettes et de bruits, c'est vide et ca laisse trop de place à l'imagination. En plein jour, ca reste encore supportable, mais dans l'obscurité, quand le brouillard se leve, c'est affreux. L'autre soir, j'etais en voiture avec Bill, entre chez ses parents et chez mon oncle. Petite route, foret de tous les cotés, nuit noire, nappes de brouillards. Et là, meme si Bill me parlait de choses et d'autres, ce qui me permet en general de ne pas penser à ce qu'il y a autour, ben j'etais pas tres fier, pour tout dire.

Et le truc à ne pas faire, normalement, c'est commencer à regarder dans le retro ou à tourner la tete pour surveiller les alentours. Ca devient pire. Parce que forcement, si je regarde derriere moi, je ne vois plus ce que j'ai devant. Et qui sait, si justement, l'attaque ne va pas venir de là à ce moment là. Ou peut-etre du coté gauche. Ou de droite. Non, c'est devant! Derriere! Là, derriere le coin, un truc qui bouge! Et là à droite une forme bizarre! Bref, une fois qu'on commence à vouloir regarder partout, c'est fini, c'est exponentiel. On veut tout voir en meme temps, on s'affole.
Non, dans ce cas là, on regarde devant. Les autres sens sont en alerte. L'ouïe principalement, mais aussi le toucher et l'odorat. Exterieurement semble calme et relaxé, mais etre interieurement à l'affut et pret à tout.

Il y a 15 jours, j'etais dans la maison de mes parents. Tout seul, vu que Bill m'avait laissé tomber, que mes parents etaient au Maroc et la locataire du dessous, je ne sais où. Le lotissement de mes parents, on va dire que c'est pas la place du Capitole un samedi soir. Bien au contraire. C'est un endroit paumé, à flanc de montagne et s'il n'y a pas de forets derriere, c'est parce que la terre est trop faible pour donner naissance à autre chose que de l'herbe et du buis. Et la maison est remplie de fenetres. De fenetres, de portes, d'ouvertures, d'escaliers, d'etages, de recoins. Bref, remplie de cachettes. J'ai passé deux nuits là-bas. Dans une seule piece, dont j'avais obstrué toutes les fenetres à coups de rideaux et de stores.

Un peu avant nos vacances, Bill a voulu regarder à la télé une soiré de TFHaine speciale 50 grands mysteres. Des mysteres qui vont de la femme guerie par le pape à la dame blanche en passant par la piece tout en haut d'une tour où une jeune femme est morte un soir en laissant sur le sol une tache en forme de corps humain et dont on voit l'ombre passer devant la fenetre de temps en temps. Un peu comme la fameuse emission "Mysteres" qui passait au debut des années 90. J'ai essayé de faire abstraction du poste toute la soirée de me concentrer yeux et oreilles sur Wow, mais rien n'a fait, j'ai quand même vu et entendu la plupart des "reportages"... Une année, j'etais allé voir au cinema "Promenons nous dans les bois". Je n'ai pas pu rester jusqu'au bout. Dans ce film, quasiment tout est suggéré. On ne voit rien. A part cinq jeunes, un costume de loup et un aristocrate au regard de fou. Là encore, le retour à ma chambre avait été difficile. Je ne vous parle meme pas du lapin de Donnie Darko, qui apparait et disparait quand bon lui semble. Par contre, Resident Evil ne m'a pas derangé. J'ai sursauté à chaque claquement, comme on sursaute quand un collegue vous fait "bouh" dans le dos. Mais je n'ai pas eu peur. Dans ce film là, on voit les zombies, on voit les monstres. Tout est dit et montré. Il n'y a aucune place laissé à l'imagination.
Mais le reste... Les questions, les non-expliqués, ce qui reste en suspens. C'est affreux.

Je n'ai pas peur d'avoir peur, je n'ai pas peur d'etre licencié, je n'ai pas peur en voiture, je n'ai pas peur d'etre agressé. Meme une diminution de nos libertés ne me fait pas peur. Tout ca, c'est trop tangible, trop facile à toucher du doigt, trop possible, trop raisonnable (qu'on peut raisonner). Ce qui me fait peur, c'est l'imaginable, le non-raisonnable, le caché, l'intangible. C'est idiot, mais c'est comme ca.

J'ecris ce billet depuis le boulot. Il fait nuit et il va me falloir monter l'escalier et traverser le couloir de chez moi. Ce sera ma petite epreuve de la soirée.