Désolé, je ne comprenais pas. Je ne comprenais pas cette inquiétude pour un simple animal. Ou la tristesse qu'on peut ressentir lorsqu'il faut s'en séparer pour de bon. Mais maintenant, je sais. J'ai vécu une petite partie de ces relations.

Dimanche pendant que je repasse, notre chat sort dans le jardin pour s'amuser. Je le vois passer plusieurs fois dans le jardin. Et puis, plus de chat. Je m'inquiète pas, il va souvent se promener dans le grand jardin du voisin. Une fois que j'ai fini mon repassage, je l'appelle pour le faire rentrer et fermer la porte. Pas de chat. Je re-appelle. Pas de chat, mais un miaulement. Je recommence, pour repérer l'origine du son. Au bout d'un certains nombres d'appels, je repère enfin le chat. Il est monté tout en haut d'un conifère, dans le jardin du voisin. Apparemment, il ne sait plus redescendre.

Ça m'embête un peu. Je n'ai ni le matériel, ni les compétences pour monter si haut dans un arbre. Et c'est pas chez moi. Je lance un appel à conseils sur twitter, sans réponses. J'appelle les pompiers, pensant qu'ils pourront m'aider. Apparemment, ils ne font plus les chats dans les arbres. Quant au numéro de téléphone de Superman, je ne sais plus ce que j'en ai fait. J'en parle sur facebook, j'ai quelques conseils, malheureusement impraticables et beaucoup de remarques moqueuses. Me voila bien contrarié.

Le pompier que j'ai eu au téléphone me dit que le chat va descendre tout seul. Il suffit de placer de la nourriture ou un bol de lait en bas de l'arbre et d'attendre, au moins une journée. Je n'ai pas accès au pied de l'arbre, je laisse donc de la bouffe à l'extérieur, mais dans mon jardin. Je remue le paquet de croquette pour que le chat l'entende. J'en verse dans sa gamelle et il l'entend aussi. Mais à part miauler, il ne fait rien.

Je le laisse donc se débrouiller. Le conseil du pompier est bon. Il serait temps que le chat apprenne à descendre, une fois qu'il est monté. La porte est ouverte, il pourra rentrer quand il le voudra. En attendant, je vaque à mes occupations prévues (Ulduar). Régulièrement, j'ouvre la fenêtre et appelle le chat. A chaque fois, il me répond depuis son perchoir.

En fin d'après-midi, tout aussi embêté, j'appelle quelques amis, à la recherche d'une échelle ou d'un escabeau pour me permettre de monter à l'arbre. J'en trouve un, je discute avec mon pote. Ce dernier me conseille lui aussi de laisser le chat pour qu'il apprenne à redescendre. Ce n'est pas le seul à dire ça. Je prends l'escabeau, au cas où, mais décide de laisser le chat. Et la nuit tombe.

La nuit tombe, mais je n'ai pas sommeil. J'essaye toujours d'attirer le chat, en l'appelant, en remuant ses croquettes, en sifflant. Rien n'y fait. Je finis deux ou trois choses chez moi, puis je pars me coucher. Tout d'abord, impossible de dormir. Je lis, je twitte, j'attends le chat.

La porte du jardin est ouverte. La lumière du salon et celle de mon bureau sont allumés et éclairent un peu le jardin. Ça sera suffisant pour le chat. Rien. Un peu avant minuit, j'arrive à m'endormir. Mais c'est difficile. A chaque bruit de la maison, j'écoute pour savoir si c'est le chat qui revient. Cinq ou six fois dans la nuit, je rêve que le chat est revenu. Soit par ses propres moyens, soit parce que quelqu'un l'a ramené. A chaque fois, la joie est telle que je me réveille pour me rendre compte que c'était un rêve et que le chat est toujours dans son arbre. Il fait nuit. Il fait froid. Il fait humide. Et le chat est dehors, coincé dans un arbre. A 3h du matin, bill rentre de son boulot. Le chat n'est pas avec lui. Il a essayé de l'appeler. Il me dit qu'il va mourir. J'essaye de le rassurer. Mais pour lui aussi, le sommeil tarde à venir. Lui aussi surveille les bruits de la maison. A 7h lorsque mon réveil sonne, Bill se réveille avec moi. Il me re-dit que le chat va mourir, voire qu'il est déjà mort. J'ouvre la fenêtre et appelle le chat. Dans le brouillard, je ne le vois pas, mais je l'entends me répondre.

Bill est rassuré. Mais de peu. L'inquiétude est toujours présente. Pour un chat. Pour un chat, nous avons perdu le sommeil. Pour un chat, nous nous sommes rongés les sangs.

Depuis, je comprends ce que peuvent ressentir les gens qui perdent un animal. Et surtout, j'ai un respect nouveau envers tous les parents. Tous les parents dont les enfants découchent ou sortent la nuit ou vont faire un tour sans rien dire. Pour tous ces parents qui doivent s'inquiéter encore plus pour leurs enfants que je ne me suis inquiété pour mon chat. A tous ces parents, je dis bravo. Et respect.