J'entends le bruit et je vois l'écume. Je vois ces vagues aller et venir éternellement, sans répit. Je vois les galets rouler et les falaises s'effriter. Je sens le vent qui souffle au sommet de la falaise, je sens l'odeur d'iode qu'il amène du large vers la terre. Je vois l'herbe penchée par le vent, cette étendue d'herbe à peine haute qui remplit les champs à perte de vue, à peine interrompue par quelques murs de pierre. Je vois la Cornouaille et je pense...

Je pense aux légendes de la mer, les Maries-Morganes et la ville d'Ys. Je pense aux légendes de la terre, les cercles de pierre et la foret de Brocéliande. Je pense aux légendes d'entre-deux, l'ile d'Avalon et la Dame du Lac.

Je vois la plaine sous les étoiles et la lune. La lune est pleine et éclaire tout d'une grande clarté. Tout est visible, même les étoiles. Je peux tout voir. Et pourtant, je ne vois rien. Rien que moi et la terre et la mer et le vent. Rien que le bleu de la mer et le blanc de la falaise et le vert de l'herbe et le noir du ciel nocturne.

Si je voulais, je pourrai me convaincre que je ne suis pas seul. Que le vent ne m'apporte pas que l'odeur de la mer, mais aussi les voix des vivants. Que la lune n'éclaire pas que la plaine herbeuse mais aussi la chaumière accueillante.

Mais je reste conscient. Je reste éveillé. Je sais que je suis seul dans cette ville grise et froide et morte, loin de la mer et des vagues qui s'écrasent contre la falaise en soupirant, en rongeant de leur larmes les pierres insensibles.


Ce billet est le troisième billet de la saison 3 des billets en sabliers, jeu inventé par Kozlika et géré cette fois-ci par plusieurs personnes. L'annonce de ce soir a été choisie par Otir, d'Un jour à la fois. Je n'ai pas participé aux deux précédents billets, le premier pour la bonne raison que l'amorce venait de mon blog, le second parce que l'amorce ne m'inspirait pas.

L'amorce proposée par Otir provient du billet de Zoridae, Au bord de la mer.