Forcement, depuis que je suis devenu ermite, je ne rencontre plus vraiment d'humain. J'eleve mes animaux, je recolte les fruits, legumes et herbes de mon jardin et je repare ma maison tout seul. Je me suis habitué au bruit du vent qui souffle entre les pieds de haricots, au meuglement de la vache avant la traite, au bruit des coups de marteau. C'est pour ca que, lors des rares occasions où je vais en ville, je mets mes ecouteurs à fond et je passe sans rien entendre, sans rien ecouter. Je ne le supportais deja pas avant de m'exiler, mais là, ca serait encore pire.

Meme le son d'un moteur me rend nerveux et le bruit d'une balle qui rebondit ou d'un appareil photo qui se declenche m'enerve. Petit à petit, tous ces sons font monter en moi une colere de plus en plus ardente. Je la sens qui monte et qui me chauffe le sang. Avant je ne savais pas gerer cette colere et je povais devenir dangereux pour les autres et pour moi-meme. Mais maintenant, je me connais. Je sais reperer les signes avant-courreur et je sais à quel moment, je dois quitter les autres humains.

Je repars alors travailler dans ma maison lointaine, là où les seuls bruits sont des sons doux et denoues de signification. Là où je peux etre reposé par le ronronnement du chat, le raclement du rabot ou le claquement de la tomate qui se separe de sa tige.

Je me rappelle avoir vu, bien avant ma malediction, une petit publicité pour une margarine. Dans cette video, on voyait la preparation d'un plat avec des sons amplifiés : le son du couteau qui decoupe les legumes, le gresillement du beurre de la margarine dans la poele, le son sourd de la flamme qui chauffe. Maintenant, j'ai l'impression de vivre dans cette publicité. Je fais plus attention à tous ces petit bruits de la vie quotidienne. Bientot, j'arriverai à entendre les pas du chat qui vient reclamer une caresse. Là, je pense que je serai heureux, chez moi au calme, sans avoir à supporter les bruits des humains.

Et peut-etre meme qu'un jour, au bout de plusieurs années, j'entendrai le frou-frou de la rose qui s'ouvre ou le ting du rayon de soleil sur le verre de mes fenetres.


Ce billet est le cinquieme billet de la saison 3 des billets en sabliers, jeu inventé par Kozlika et géré cette fois-ci par Samantdi.