Je dis presque parce que si nous ne sommes pas souvent malades, nous sommes quand même habitués aux salles d'urgence des hopitaux environnants.

C'est mon pere qui a commencé. Tôt puisque je n'avais que trois ans à l'epoque. Mes parents venaient de finir la construction de leur belle maison (oui, oui, eux-mêmes). Il ne restait plus qu'à couper un peu de bois pour alimenter la cheminée. Mon pere s'y est attelé, comme d'habitude. Il a sorti sa tronconneuse et l'a demarrée. Sauf que cette tronconneuse n'avait pas de securité. Et ce qui devait arriver, arriva. Quand elle a decidé de lui sauter dessus, elle etait toujours en marche. Resultat : un trou dans le visage, partant du front et descendant au moins jusqu'à la machoire superieure, en passant par l'espace entre le nez et l'oeil droit. Ca aurait pu etre pire. Aucun oeil n'a été touché et mon pere n'y a perdu qu'une dent. D'apres ce que je sais, ma mere l'a amené aux urgences avec la voiture pendant qu'il se tenait le visage. En vitesse maximum, bien sur. A l'entrée de Bagneres, se trouvaient deux flics avec leur radar. Evidemment, ca a flashé, dans ces cas là, on ne respecte pas les limitations. Seulement quand mon pere leur a fait coucou avec une main en sang, ils ont changé d'avis et ont preferé escorter mes parents jusqu'à l'hopital. Dans la salle des urgences, c'etait coloré. Mon pere etait, forcement, rouge sang, ma mere blanche comme un linge et un des policiers avait le teint un peu vert bilieux. L'autre tournait autour de mon pere ne sachant pas que faire, mais voulant l'aider et ce dernier lui disait : "moi, ca va, occupait vous de ma femme, elle va se sentir mal." Les infirmieres sont arrivés rapidement. Mais comme il etait quasiment l'heure de la releve, on pouvait entendre le medecin gueuler depuis son bureau un truc du genre : "c'est maintenant qu'il arrive, ce con? Je dois partir dans cinq minutes, j'ai un rendez-vous important." On pourrait se demander qui est le plus con des deux. Personne ne voulait que ce qu'il y avait à faire soit fait à la va-vite, les infirmieres se sont donc occupés de mes parents le temps que le medecin suivant arrive. Celui-ci s'est occupé de tout, apparemment avec brio, puisque mon pere à l'heure actuelle n'a quasiment aucune cicatrice. Il faut vraiment la chercher pour la voir. Comme je disais plus haut, il n'y a perdu qu'une dent. Il est resté quelques temps à l'hopital, ce qui est normal.
Il parait que j'ai demandé à l'epoque s'il setait mis de la confiture dessus, rapport à la couleur d'un mercurochrome quelconque. En tout cas, je ne m'en souviens pas.

Il y a eu d'autres accidents :
Tout d'abord, il a reussi à s'ouvrir l'arcade sourcilliere avec la spatule d'un ski de fond au cours d'une petite descente.  Au debut, il ne voulait pas arreter, il y voyait tres bien. Sauf que ceux qui etaient en face se rendaient compte qu'il voyait à travers le trou. C'est le docteur du village qui lui a recousu pendant que ma mere tenait les deux bords ensemble.
Etape suivante : le bras droit. Cette fois-là, mes parents etaient en montagne avec des amis et connaissances. But de la journée : remettre en etat un canal amenant l'eau d'une source vers une grange. C'etait un projet de longue haleine auquel mon pere faisair participer ses eleves (et plusieurs autres adultes pour l'encadrement). Mais ce samedi-là, point d'eleves. Juste des adultes s'occupant d'un passage un peu delicat. A midi, il est deicdé de faire une pause. Il reste une motte de terre en plein milieu du canal. Deux personnes vont pour s'en debarasser, l'un à la main, l'autre à coup de pioche. Evidemment, la pioche s'est abattue non pas sur la motte de terre, mais sur le bras de mon pere. Là encore, c'est ma mere qui l'accompagne. Il faut à peu pres trois quarts d'heure pour arriver à la voiture. Record battu : moins d'une demi-heure. Apres il faut encore aller à l'hopital, se faire recoudre. On a de a chance, il n'y a pas de fractures, juste des dechirures. Resultat : 33 points de sutures, en forme de triangle sur le bras droit. Là, par contre, on voit encore la trace aujourd'hui. Retour en montagne, histoire de continuer les travaux. Entre le depart du canal et le retour, seulement deux heures se sont ecoulés. Ce qui permet au vieux berger de dire : "T'es plus rapide que le licotere, toi!"
Autres travaux, autre blessure. Cette fois, il s'agit de faire un pont au dessus d'un petit ruisseau. Là encore, c'est un travail avec les eleves de la classe-atelier. Ca sera un joli pont, en pierres, ciment et ardoises, pas une bete plaque de beton. Il faut donc des plaques d'ardoises, fournies par les artisans de la region et des pierres, fournies par le ruisseau. En remontant le talus, un gros caillou à la main, mon pere glisse sur une autre pierre non stable. Il s'affale sur le talus et s'eclate le majeur entre le caillou qu'il porte et celui en-dessous. Cette fois, c'est l'inverse : pas de dechirure, juste une fracture. Attelle pendant quelques temps et raideur du doigt ad vitam.
Dernier coup, le pied. Mes parents habitent dans les Pyrénées, à la frontiere sauvage, dans une vallée bien boisée. La mairie offre chaque année à un tiers des residents un lot de bois pour alimenter la cheminée. Probleme, le bois est encore sur pied. Il faut donc le couper entierement où le faire faire par un des artisans du coin. Jusqu'à dernierement, mes parents se le coupaient eux-memes, avec l'aide de quelques amis. Cette fois-là, l'arbre etait bien arrimé, le tronc bien entamé, tout etait pret pour qu'il s'abatte dans une direction bien precise. Il ne s'est pas abattu. Il a glissé. pour arriver direct sur le pied de mon pere. Je ne me souviens plus du resultat, mais ce n'etait rien de tres grave. Sol meuble, bonnes chaussures, etc etc...

Le pire c'est que normalement, tout est bien securisé, prevu et tout et tout. Il ne devrait rien arriver. Sauf que le risque zero n'existe pas. Et que la malchance existe.

Là, il a l'air de s'etre calmé. A part se coincer le dos regulierement, il ne lui arrive rien.

Là, c'est ma mere qui semble avoir pris le relais : accident de ski, probleme de genoux, operation prevue. Je sens que je vais me retrouver avec "le couple qui valait trois milliards".