Quel travail? En fait, nous étions devenus une force à Besançon; une force pacifique et aidante. Avec le matériel récupéré de ci de là, nous avions reconstruit quelques ordinateurs qui nous permettaient de regrouper des informations. En particulier, qui était encore vivant et où. Nous savions aussi où trouver certaines ressources. Et s'il nous manquait quelque chose, nous pouvions l'échanger à quelqu'un d'autre contre ces infos ou de menus travaux. Rapidement, nous avons mis en place un système de communication avec le reste du monde. Apres tout, les satellites étaient toujours là. Et bien laissez moi vous dire que le réseau était vraiment rapide. Aucun encombrement. Bon, c'est sur, plus grand chose à visiter non plus. La plupart des sites et des services avaient disparus, soit par manque de personnes pour s'en occuper, soit à cause de la destruction du matériel. Alors que dans les années auparavant, trouver une info utile dans le cyberespace relevait de la recherche d'un grain de sable bleu dans un jardin japonais blanc, maintenant, trouver une info relevait plus de la recherche d'un insecte spécial dans le Sahara. En fait, à part nous et nos trop rares équivalents, on ne pouvait rencontrer sur le Réseau (ou ce qu'il en restait) que les habitants des zones libres. Zones qui était maintenant pratiquement libres de fait. Si leurs frontières n'étaient pas ouvertes, c'était uniquement pour éviter que la folie n'y pénètre (et, dans certain cas, parce que leurs habitants souhaitaient rester entre eux). Utilisant les connexions sans fil et les satellites, un réseau avait été créé. Ce réseau regroupait tous les gens qui, comme moi, préférait récupérer des infos et se débrouillaient pour avoir cette occupation sans s'inquiéter du reste. Je me greffai au réseau et devint ainsi LA source d'informations de ma région. Un des adolescents à ma charge se proposa même pour remettre en fonction l'émetteur radio de la ville. Il avait déjà démontré à maintes occasions qu'il était indépendant et digne de confiance. Comme les choses s'étaient petit à petit calmées, il eut mon autorisation pleine et entière. A ma grande surprise, ils partirent à deux, main dans la main. Je les ai regardés s'éloigner, longues jambes couvertes de collants roses et lourde cape noire. Apparemment, elle comptait lui apprendre à chanter.

Quelques jours plus tard, dans la matinée, il revint m'annoncer sa réussite. Je réglai ma radio sur la fréquence qu'il m'avait indiquée et entendis la voix de son amie annoncer le lancement des émissions. Dès l'après-midi, j'envoyais les autres jeunes dans les rues de la ville afin de transmettre l'information. Même si mes jeunes ne me signalaient plus de décès, ni de destructions, les gens n'osaient pas trop sortir. La plupart d'entre eux restaient cloitrés chez eux, vivant sur leurs réserves et sursautant au moindre bruit. Mais la remise en fonction de la radio permit de remettre un peu d'espoir dans le cœur de tous. Les gens commencèrent alors à ne plus avoir peur et à sortir de chez eux. Les radios et chaînes hi-fi abandonnées au début de la Grande Boucherie furent ressorties des greniers. Bien sûr, toutes ne marchaient pas, pour cause d'usure ou de coups violents. Ceux qui savaient s'y faire les récoltaient, les démontaient et se servaient des pièces détachées obtenues pour en recréer d'autres. Tout le monde n'avait pas son récepteur, mais comme l'électricité restait un bien rare, ce n'était pas trop gênant. Au contraire, cela permettait aux gens de se regrouper, de se rencontrer. Chaque soir, à la tombée de la nuit, ceux qui avaient un récepteur en état de marche accueillaient leurs voisins moins fortunés et tous se penchaient autour du poste pour écouter les dernières nouvelles. Ces nouvelles étaient celles que j'arrivais à recueillir, soit par le réseau, soit par le bouche-à-oreilles local. Grace à cela, la vie commença à reprendre son cours. La radio annonçait par exemple la venue de tel ou tel agriculteur ou les échanges que certains souhaitent conclure. La vie reprenait son cours. Les echanges et communications reprenaient.

Et enfin, petit à petit, les zones libres s'ouvraient et leurs habitants rejoignaient le reste du monde. Eux n'avaient rien perdu. Ils allaient pouvoir nous aider à réparer le monde, à faire le bilan, à reconstruire nos vies.