Dans le livre que je suis en train de lire, un des personnages meurt, la gorge tranchée. Peu après, sa soeur arrive et voit le corps tel qu'il a été decouvert. En presence d'autres personnes, cette soeur reste exterieurement calme. Elle prend ensuite le corps de sa soeur dans ses bras et demande à rester seule. Lorsque tout le monde est sorti, on entend un cri, "the full-throated cry of a woman mourning the loss of everything".[1]
Et là, je reflechis. Outre le fait que ce genre de scene me touche toujours, je m'interroge. Connaitrais-je un jour ce deuil, cette perte? Pas tel que je suis actuellement. Rien de ce que je tiens actuellement pour acquis ne represente "tout" pour moi.
Bien sûr, lorsque je perdrai un proche (ami, famille, conjoint), il y a des chances pour que je ressente une tristesse, un sentiment de perte plus ou moins fort, mais quand même pas au point de tout lacher; pas au point d'avoir l'impression que l'univers s'est effondré.
Je pense que ce genre de sentiment est reservé à deux types de personnes :
- les personnes agées en couple et qui ne vivent que par et pour leur conjoint
- les personnes qui ont accompli un enorme travail et qui le voient disparaitre completement (l'angoisse du doctorant maladroit qui voit sa these detruite au detour d'un disque dur mort)
Dans les autres cas, il existe toujours autre chose. Pas forcement pour remplacer (puisque c'est en general irrmplaçable), mais pour continuer ou recommencer. Des enfants ou des amis lors de la perte du conjoint; d'autres amis lors de la perte d'un ami; des notes, des collegues, d'autre travaux dans le cas où on perd son oeuvre.
Par contre, l'opera ne se prete pas à ce genre de scene. Entre le debut et la fin de l'ecriture de ce billet, j'ai assisté à Rigoletto; où le personnage principal voit son unique fille mourir sous ses yeux (par sa faute, qui plus est). Ben, on ne ressent pas la même douleur. Ca doit etre le chant qui fait ça. Difficile de prendre au serieux quelqu'un qui chante devant le cadavre de sa fille. Surtout quand le cadavre en question a eté poignardé en plein poitrine une heure plus tot et continue à chanter lui aussi.
[1] : Traduction assez difficile. Disons que c’est "le cri à plein poumons d’une femme pleurant la perte de tout."
8 réactions
1 De Elisabeth - 04/03/2006, 17:05
Ceux qui perdent un enfant voient le monde s'écrouler.
Les enfants qui perdent un parent aussi.
Je crois qu'il y a un peu plus de gens qui ressentent ça que ceux que tu recenses...
2 De Franck - 04/03/2006, 17:57
Perde mon enfant pourrait certainement me mettre dans cet état particulier. Par contre je me demande si c'est une composante de notre éducation/culture ou pas. Je ne sais pas si la "valeur" d'une vie nouvelle est la même chez tout les peuples.
3 De alain - 05/03/2006, 21:10
d'acc avec franck nous sommes faits pour enterrer nos parents pas nos enfants disait ma mémé .Je crois que c'est le pire qui pourrait m'arriver
4 De akynou/racontars - 06/03/2006, 13:27
Je pense que, comme les précédents, eprdre un enfant est une des épreuves les plus dures qu'il puisse exister pour un être humain. depuis que je suis mère, la mort me terrorise, celle possible de mes enfants, pour la douleur qu'elle pourrait engendrer. La mienne parce que j'aurais l'impression de leur lâcher la main, de les abandonner avant qu'elles ne puissent voler de leurs propres ailes et je ne supporte pas l'idée de leur douleur.
une de mes cousines disaient qu'il n'y avait rien qui rapprochait plus de la mort que la naissance de ses enfants. C'est une phrase qui m'a marquée, parce que depuis que je suis mère, je vis constamment avec cette idée de mort. J'y pense tout le temps, quoi que je fasse, quoi que mes enfants fassent. Je ne broie pas du noir pour autant, je ne les empêche pas de vivre (et je suis parfois bien imprudente). Mais c'est comme si j'essyais de m'habituer,d e me préparer, au cas ou…
Tous les gens que je connais, qui ont eu la douleur de perdre un enfant, ont survécu certes, mais profondément différents et une douleur terrible, à laquelle ils s'habituent, mais qui ne s'efface pas.
perdre un enfant, c'est ce que je ne souhaite à personne, même pas à mon pire ennemi. Et ce n'est pas uen tournure de style.
Je pense aussi que perdre un grand amour peut mener à une souffrance et à une solitude sans nom si ce n'est sans fin.
5 De Sok - 07/03/2006, 17:34
Ravel arrêta de composer à cause des problemes cérébraux, suite à son accident de taxi de 1932. J'imagine la douleur que cette incapacité a dû lui causer.
J'ai une opinion toute mesurée sur ce que je scribouille : je suis conscient de mes naivetés. Il n'empêche que rien n'est plus important pour moi que ce que je tentes de créer. Ne plus être capable d'écrire : pour moi, ce serait ça, tout perdre.
6 De Nounou - 07/03/2006, 22:20
Je crois sincèrement qu'autour de nous, il y a des personnes essentielles, que souvent inconsciemment, on considère immortelles, on ne peut pas imaginer vivre sans elles, au point parfois de nier leur maladie. Elles font partie intégrante de notre vie sans forcément qu'on réalise leur importance. Et quand elles s'en vont, le monde s'écroule car il faut tout reconstruire...
J'ai la chance de n'avoir jamais vécu ça, mais les personnes autour de moi qui l'ont vécu seront blessées à vie, et je crois, définitivement transformées.
7 De flo - 16/03/2006, 10:44
mmmm sans vouloir te vexer ca commence a sentir le renfermé ici .... @+ mon vieux
8 De Valérie - 17/03/2006, 12:54
Lorsque mon père m'a dit au téléphone que mon frère ainé était mort, le monde s'est effacé un moment. Plus rien, le gouffre, le vide............ la mort et l'amputation d'une partie de ma vie !