Ce courrier me signalait que suite à mon emménagement récent à cette adresse, je n'etais pas inscrit dans le registre de la redevance audiovisuelle. Le courrier contenait un petit formulaire me demandant mon nom et mon adresse. Je devais aussi declarer sur le formulaire si je possedais un poste de télé et, le cas echeant, son type (couleur ou noir et blanc). Je me suis fait une joie de renvoyer ce petit formulaire en precisant que je ne possedais aucun appareil de ce type chez moi.

Non, je n'ai pas la télé. Et je m'en porte tres bien. Quand je vois les programmes qui sont proposés, vraiment je ne regrette rien. En plus, les chaines hertziennes sont tres mal reçus à l'endroit où j'habite. J'ai eu un poste de télé pendant quelques mois. J'ai regardé une emission qui me concernait pour voir si elle refletait vraiment la réalité (l'espoir fait vivre). Non seulement la qualité de l'image etait tres mauvaise, mais en plus l'emission etait bourrée de clichés, faite uniquement pour divertir les gens, leur vider l'esprit, les rassurer que tout allait bien dans le meilleur des mondes.

J'ai vite rendu le poste à ceux qui me l'avaient prété, ca fait de la place dans mon appart et ca m'evite de payer une taxe de plus.

Aujourd'hui, j'ai lu sur le Reseau un article concernant justement la télévision et ce qu'elle diffuse. Cet article (que vous pouvez lire ici : http://www.acrimed.org/article1690.html) parle d'un livre recent ecrit par PAtrick Le Lay, directeur de TF1. Je vous livre maintenant un extrait de ce livre :

" Il y a beaucoup de façons de parler de la télévision. Mais dans une perspective ”business”, soyons réaliste : à la base, le métier de TF1, c’est d’aider Coca-Cola, par exemple, à vendre son produit (...).

Or pour qu’un message publicitaire soit perçu, il faut que le cerveau du téléspectateur soit disponible. Nos émissions ont pour vocation de le rendre disponible : c’est-à-dire de le divertir, de le détendre pour le préparer entre deux messages. Ce que nous vendons à Coca-Cola, c’est du temps de cerveau humain disponible (...). "

Patrick Le Lay, "Les dirigeants face au changement" (Editions du Huitième jour)

Voici maintenant un extrait de l'article analysant le texte ci-dessus :

C’est ici que M. Le Lay révèle d’un coup son véritable visage. Pour faire vendre du Coca-Cola (ou du Mac-Donalds, du Bonux, du Paic-Vaisselle, du Raffarin, du Volvo, du Sécuritaire, du Banania, du vote FN, du Spontex, du Jacques Chirac, du Cif-WC, du Sarkozy ...), il faut bien évidemment « qu’un message publicitaire soit perçu ».

Or, c’est là une chose difficile, car les vraies gens ont plein de soucis dans la tête : ils n’arrivent pas à boucler leurs fins de mois, ils partent à la retraite à 66 ans pour toucher un misérable SMIC, ils sont au chômage ou ils ont peur d’y tomber, ils ne peuvent pas se payer des soins dentaires parce qu’ils sont trop chers, ils se demandent s’ils n’ont pas honteusement abusé de la sécurité sociale en demandant deux jours de congé parce que leur travail les a exténués. Ou alors les vraies gens rêvent, ils vivent une belle histoire d’amour, ils vont voir leurs amis, ils croient parfois que quelque chose ne tourne pas rond dans cette société, ils critiquent le gouvernement, ils pensent même parfois à lutter pour améliorer leurs conditions de vie, pour travailler moins, vivre mieux, se cultiver, s’épanouir dans un monde moins injuste...

Bref, les gens ne sont pas vraiment « disponibles » à entendre qu’ « Ariel lave plus blanc que blanc », qu’ « Always Coca-Cola », que « C’est pas la rue qui gouverne », que « Minimir fait le maximum » ou qu’ « Alain Juppé est le meilleur d’entre nous ». Les gens ne sont pas naturellement « disponibles », au grand désespoir de M. Le Lay, pour se laisser intoxiquer par des messages stupides et insipides, flattant leurs plus bas instincts, créant chez eux une compulsion d’achat primaire, détournant leur regard des vrais problèmes qu’ils rencontrent dans leur vie, suscitant l’admiration pour le courage du Maréchal Raffarin ou le dynamisme du forcément charismatique Sarkozy.

Il est vrai que tout individu possède une raison, des sentiments, une personnalité, une aptitude à l’esprit critique, et même une éducation, obstacles intolérables pour qui souhaite vendre tout et n’importe quoi à n’importe qui. Qu’à cela ne tienne : si le « cerveau » du téléspectateur n’est pas naturellement disponible à ingurgiter n’importe quoi, il va falloir le forcer à le faire, par tous les moyens et à tout prix. En d’autres termes, il faut trouver un moyen efficace de paralyser la réflexion, d’abolir le recul et l’esprit critique, d’abaisser le seuil de tolérance à la vulgarité et à l’obscénité, de faire voler en éclats toute trace de culture et d’éducation.

Mais comment ce prodige est-il possible ? Grâce aux émissions de TF1, bien sûr : « nos émissions ont pour vocation de le rendre (le cerveau) disponible : c’est-à-dire de le divertir, de le détendre pour le préparer entre deux messages ». La réflexion de M. Le Lay révèle ici son cynisme le plus cru : les émissions de TF1 visent à « divertir » le cerveau du téléspectateur. Divertir, c’est-à-dire détourner ce « cerveau » de sa destination originelle : penser, éprouver des sentiments humains, critiquer, décider d’agir. Toute la production audiovisuelle de TF1 ne vise donc qu’à affaiblir les résistances de l’individu à la sottise, à l’ignorance et à la vulgarité. Toute émission de TF1 est un instrument de torture cérébrale, une déclaration de guerre à l’intelligence, une insulte à l’esprit critique. Toute émission de TF1 ne vise qu’à « détendre » le cerveau « entre deux messages » publicitaires. Après « le Bigdil », « Ariel lave vraiment plus blanc que blanc », après le JT de 13 heures « c’est vraiment pas la rue qui gouverne », après « les feux de l’amour » « y’a vraiment bon Banania », après « le Droit de savoir » « c’est fou ce qu’il y a d’insécurité en France », après « la méthode Cauet » on est prêt à rôter pour un Fanta et à se lever pour Danette, après le JT de 20 heures Alain Juppé est vraiment le meilleur d’entre nous et vive l’UMP...

Je vous laisse mediter sur ces textes, en esperant qu'ils auront permis d'ouvrir les yeux de certains.